Brontë Scott - Entretien
Publié dans le carde de la résidence Voyons Voir, avril 2023
Tu produis des œuvres au « seuil de l’art et du design ». Ces deux notions sont-elles antinomiques selon toi ? Comment envisages-tu ce supposé paradoxe ?
Cette question du design est intéressante, ce n’est pas la première fois qu’on me la pose. Pendant mon DNSEP, Clotilde Viannay, qui a fondé la revue L’Incroyable, membre du jury, pensait me déstabiliser en me disant que certaines de mes formes et couleurs faisaient penser à des registres qu’utilisent ses étudiants en école de design ou de graphisme. Cette remarque ne m’a pas gênée, j’ai effectivement l’impression de travailler avec la mode, la pop culture, le design…
La contrefaçon m’intéresse beaucoup, je cherche donc à m’approprier ces formes. Je pioche dans différents registres pour les détourner. En littérature il existe une figure de style qui s’appelle la « métalepse » : le fait de s’insérer dans un récit, de le poursuivre en partant du principe qu’un élément fictionnel est réel.
Quand je reprends les codes du design, j’ai envie de faire des objets qui se rebellent. On peut en effet utiliser le terme de paradoxe parce que, dans l’histoire du design, qui est aujourd’hui plutôt associé à des savoir-faire industriels, la trace de la main est absente. Je vois des artistes qui travaillent autour des mêmes sujets que moi mais qui choisissent d’aborder ces thématiques en utilisant des imprimantes 3D ou de l’animation, alors que ce n’est pas du tout mon cas ; j’ai un travail tourné vers l’artisanat, vers le low material.
Comment est né cet attrait pour les objets et leur aura ?
Je pense que ma fascination pour l’aura des objets a débuté de façon très instinctive mais dans un second temps, j’ai eu envie de regarder plus précisément dans mon histoire pour comprendre d’où venait cet attrait.
D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été obsédée par les objets. Enfant, je faisais des rêves très réels où je possédais telle ou telle chose. Mes souvenirs les plus purs, c’est quand j’ai pu accéder à des biens dont j’avais envie depuis longtemps. Ce sont mes tout premiers souvenirs, ils n’ont pas lieu avec des personnes mais plutôt avec des objets.
Je suis née en Angleterre, et quand je suis arrivée en France à l’âge de six ans, je ne parlais pas la langue. C’est à travers les objets que j’ai pu tisser des liens avec les personnes de mon entourage : même si nous ne pouvions pas échanger avec les mots, nous pouvions communiquer grâce à eux. En étant très différent·e·s, ils nous rapprochaient.
Je suis aussi obnubilée par les classes sociales et je crois qu’une grande partie de ce qu’il se passe entre les gens de différentes classes passe par les objets. À l’adolescence, il nous fallait un téléphone, et c’était déjà un marqueur social fort. Tout ça est aujourd’hui passé à travers le filtre de la nostalgie et du kitsch alors qu’à l’époque c’était plutôt assez violent et révélateur de nos classes sociales.
Par ailleurs, la famille de ma mère est très catholique, je suis donc souvent allée à la messe étant enfant. Dans ce contexte, le rapport des fidèles aux objets est très fort. Le principe de transsubstantiation en est un exemple, le vin est le sang du christ, le pain est son corps. C’est la même chose pour les reliques, qu’il y ait autant d’énergie déployée autour d’un doigt me fascine. L’objet dépasse sa fonction pour devenir autre chose. Je crois que c’est un principe que j’ai absorbé et que l’on retrouve dans mon travail.
Les différentes étapes du processus de moulage des objets, apprises aux côtés de ta mère doreuse à la feuille d’or, ne semblent en effet pas inviter nécessairement à l’expérimentation libre. Comment t’affranchis-tu des règles et des contraintes techniques liées à l’usage de ce médium ?
J’ai eu cette discussion il y a quelques années avec un ami artiste marseillais. Il faisait de la sérigraphie dans le même atelier que moi, et me voyait préparer du silicone en reprochant à ce médium son exigence de précision. Il faut une balance et des pipettes, 5 gr de catalyseur en trop et ça ne prend pas. Ça ne semble a priori pas vraiment aller de pair avec une pratique instinctive, avec le geste de la main, le travail de matière… Mon ami me disait que mon travail n’était pas punk, mais je crois au contraire qu’il est possible faire quelque chose de très punk avec un médium très traditionnel !
Je suis très attachée à l’histoire de la sculpture. Même si mon travail est plutôt post-moderne, j’ai beaucoup regardé et étudié l’histoire de l’art, et plus spécifiquement la sculpture minimale. Je suis une grande amoureuse des matériaux, et pour leur faire exprimer tout leur potentiel je crois que je dois passer par la technique. Choisir de ne pas m’attaquer à la technique, m’interdire d’emprunter ce chemin là serait au contraire une très grande contrainte. Traditionnellement, en tant que femmes nous ne sommes pas encouragées à développer ces savoirs, peut-être que c’est aussi ce qui m’a convaincu d’aller vers des matériaux dit « masculins », comme le métal par exemple. En terme d’expérimentation, si je m’approprie une technique, je crois que je peux ensuite aller plus loin : pour contourner les gestes, j’ai besoin de les maitriser. Dans ma pratique il y a trois moments principaux, celui de la récolte, puis du moulage et enfin de l’assemblage.
Après avoir sélectionné les objets, le terme que j’emploie souvent quand je parle de moulage c’est celui « d’autopsie ». Il faut coucher l’objet sur la table, l’observer, regarder où sont les creux, décider où faire les plans de joints etc. C’est un moment d’analyse à froid de l’objet, avant de préparer la bonne quantité de silicone, de faire la chape, puis de couler la matière qui va constituer le tirage.
Même si ce travail est plutôt technique, je retire beaucoup de jouissance de ce temps passé à l’atelier, à être dans une gestuelle, à manipuler les matériaux etc. C’est joyeux et je trouve que c’est important.
Je pense que la notion d’expérimentation concerne plutôt la phase d’assemblage de plusieurs tirages entre eux. C’est à ce moment là qu’il se passe « n’importe quoi ». C’est le cas dans la pièce Trip baby trip, où il y a des dés à 8 faces, des grelots, des perles, des angelots… Assembler tous ces objets c’est pour moi une manière de piocher dans plusieurs registres pour lier mes recherches théoriques. À l’inverse d’un designer, je ne fais pas de croquis. Rien n’est planifié à l’avance, tout se passe très vite, je teste énormément de choses avant de m’arrêter sur une pièce.
La matérialité de tes pièces est affirmée, cette recherche est centrale dans ta pratique. Tu prélèves et assembles des formes, tu les superposes et les impliques. Cette manière de travailler te permet-elle, en manipulant physiquement les matières, de manipuler intellectuellement les références et les métaphores qu’elles induisent ?
J’aime bien la phrase de Thomas Schütte « On ne fait pas de l’art, on ne que faire en sorte qu’il se produise. C’est tout ce qu’on peut faire : on se prépare et quelque chose arrive. L’art arrive. » (même si elle est un peu prétentieuse). Je trouve qu’il y a une part de vérité dans cette phrase, et qu’elle correspond assez bien à mon travail.
Dans mon atelier, j’ai beaucoup d’anciennes œuvres et de tirages que je n’ai pas encore utilisés. Si ce que je fais là ne marche pas, ce n’est pas grave, je construis un autre type de socle, j’ajoute un élément, j’assemble, je modifie, et au bout d’un moment, il se passe quelque chose. Un tirage que j’ai réalisé 3 mois plus tôt, dont je ne savais pas quoi faire à ce moment là, permet de compléter une autre pièce. Les œuvres fonctionnent comme des questions ouvertes, auxquelles il manque parfois juste un élément pour finaliser l’équation.
Tes œuvres sont séduisantes : tu utilises l’esthétique et les objets du marketing et de la pop culture pour les détourner, les transformer, les métamorphoser en sujets d’une narration queer. Quels sont les effets que tu cherches à produire avec cette décontextualisation / distorsion ?
Je suis allée visiter la grotte de la Sainte Baume avec des ami·e·s et j’ai été surprise par la spiritualité qui régnait dans ce lieu. Je trouvais que cette grotte avait un grand potentiel performatif. J’avais même l’impression qu’elle avait l’aura d’un lieu de spectacle ou d’un parc d’attraction. Elle avait un vrai potentiel de décor.
À ce moment là, je collectionnais des photographies de pop stars endormies. Je trouvais que ça avait l’air épuisant d’être une star, que ces gens étaient sans cesse sous le regard des caméras et qu’iels se devaient d’être exemplaires. Britney Spears est quelqu’un qu’on a vu grandir, – elle est dans le star-système depuis qu’elle a 4 ans – personne n’a travaillé aussi dur qu’elle. Je cherche à ne surtout pas porter de regard moqueur ou critique sur ces pop stars, car il me semble que ces personnes vivent des tragédies : elles sont sexualisées ? Maltraitées dans les médias, leurs vies amoureuses sont terribles, elles sont utilisées pour faire gagner beaucoup d’argent à d’autres (souvent des hommes)…
Après avoir visité la Sainte Baume, j’ai lu des textes sur Marie-Madeleine et j’ai été frappée par cette histoire, et surtout par le traitement qui en était fait (que ce soit dans la bible ou dans d’autres textes historiques). Marie-Madeleine ne correspondait pas à l’image qu’on se faisait d’une jeune fille virginale ; elle était décrite comme quelqu’un de très charnel, c’est un personnage très sexué. Dans toutes les peintures de la renaissance on la reconnaît à sa beauté et à ses longs cheveux. Elle est envoyée à la Sainte Baume en réclusion, et doit y passer le reste de sa vie. Il y a beaucoup d’eau dans cette grotte, symbole de purification, parce que Marie-Madeleine doit se laver en permanence les cheveux et les pieds. Cet aspect de son histoire me fait par ailleurs penser à la religion juive (la religion de la famille de mon père) : quand les femmes ont leurs règles elles doivent aller à la mikvé pour se purifier.
En liant tous ces éléments, j’ai eu envie de créer un espace de recueillement. Je pensais à la manière dont les gens se déplaçaient à l’intérieur de la grotte. J’aimais beaucoup la forme du puits ou du petit bassin, devant lequel on prend un temps pour regarder à l’intérieur. La pièce The I of the storm (2022) est un bassin en fausse roche, qu’on appelle la « rocaille », une technique ancienne qui nécessite du grillage et des couches de béton pour imiter la nature, très DIY (do it yourself). Ce n’est pas du tout noble comme façon de travailler mais c’est pourtant rentré dans l’histoire de l’art et du design. La mosaïque au fond fait quant à elle référence à l’espace public.
C’est une œuvre qui pose formellement des questions d’ordre féministe. Quelles sont tes inspirations littéraires, philosophiques ou artistiques qui insufflent à tes œuvres cette essence féministe ?
Pour moi ces trois thèmes réunis – la grotte de la Sainte Baume, la figure de l’idole (Britney ou Marie-Madeleine) et les éléments issus de l’espace public – posent des questions qui me semblent intéressantes. C’est aussi une invitation aux personnes qui regardent cette pièce à prendre un moment pour réfléchir à ces questions : comment voit-on ces très jeunes filles, comment les perçoit-on dans l’espace public ? Lorsqu’on se rend dans la grotte, quelles sont nos réactions et comment ce lieu joue son rôle ?
Je suis animiste, je pense que les objets sont vivants. En ce moment je lis des écrits « object oriented feminism », c’est une branche de phénoménologie (l’étude des phénomènes) qui est appliquée à l’étude des objets. Des écrivaines féministes se sont emparées de ces théories, et ont proposé le postulat que les femmes, à force d’être objectifiées, pouvaient tisser davantage de liens avec les objets qu’avec les hommes. Ce sont des notions étudiées par Ursula K Le Guin ou Donna Haraway (avec sa théorie du panier, quand elle dit qu’il faut davantage s’intéresser au panier qu’aux hommes). Je m’intéresse aux artistes qui célèbrent une autre facette du féminisme dans l’art (peut-être plus joyeux, libre ou débridé) comme Sylvie Fleury, Lynda Benglis, Anita Molinero ou Stéphanie Cherpin.
J’ai été élevée par une femme seule donc j’ai toujours été très féministe. J’ai aussi beaucoup lu de littérature féministe, comme Silvia Federici, Virginie Despentes ou Mona Chollet. Quand j’étais aux Beaux-Arts, j’avais l’impression que mon féminisme était moins lisible dans mon travail. Il s’est accru depuis que je suis sortie de l’école, peut-être parce que j’ai subi encore plus de violence, et de situations discriminantes dans le monde du travail. J’ai constaté que sur une promo de 40 personnes, il y a 30 filles et 10 garçons et chaque année de plus en plus de femmes arrêtent de faire de l’art parce que c’est trop dur. Ça me semblait déjà difficile aux Beaux-Arts mais finalement j’étais presque protégée de ce que ça allait devenir.
Mes œuvres me semblent de plus en plus « gores » et je crois que c’est lié à ma colère qui augmente contre le patriarcat. Plus je suis en colère plus j’ai envie d’une revanche. Je retrouve cette notion de revanche dans les films de genre. Le film Massacre à la tronçonneuse, de Tobe Hooper, je le vois comme une revanche du prolétariat : c’est une famille qui travaillait à l’abattoir, ils se sont fait licencier et se sont mis à découper des gens dans leurs garages. Quand Massacre à la tronçonneuse est sorti, il a été censuré, tout le monde à eu très peur de ce film, alors que le réalisateur voulait que ce soit un film grand public, c’est un peu une blague qui n’a pas été comprise !
J’ai découvert qu’il y a une branche du cinéma de genre, les « revenge movie » qui traitent de femmes qui prennent leurs revanches après un viol. Souvent ces films sont traités à travers le prisme de l’humour, ce que je trouve aussi étrange que génial : comme si nous les femmes étions capable de garder notre second degré en toutes circonstances.
Comment cette pensée féministe s’incarne-t-elle dans tes recherches ?
Je travaille sur la maison hantée par exemple. C’est un sujet qui a beaucoup été traité par le cinéma, plus que par la littérature. Dans le film Rebecca de Hitchcock, la maison est hantée par l’ex femme de celui qui ramène sa nouvelle copine (qui évidemment a 20 ans de moins etc). Ce que je trouve intéressant dans ce film, c’est que la femme et la maison ne deviennent qu’une. Il y a des films où l’on trouve la figure de la mariée abandonnée le jour de ses noces, qui attend, dans une énorme robe devant un repas en train de pourrir : la femme et le repas ne deviennent qu’un. Il y a une forme de porosité épouvantable qui traverse les femmes et ce lieu-là.
J’ai beaucoup travaillé sur le domestique, tout en ayant envie de travailler sur le féminisme, et j’ai l’impression que j’arrive davantage à lier les deux aujourd’hui, notamment à travers l’exploration de cette thématique de la maison hantée.
Tu t’intéresses aux contes provençaux et plus largement à l’oralité, quels rôles jouent la parole et le texte dans ton travail ?
J’ai toujours écrit. Je n’ai pas ressenti le besoin de faire cohabiter ce médium avec mon travail de sculpture. Je pense que la sculpture a son langage et que la littérature a le sien (avec ses propres médiums, comme la micro édition, l’affiche, le roman, le scénario…). Les deux peuvent parfois se rencontrer mais pour moi ce sont deux langages distincts. Par contre l’enjeux est commun : inventer des récits par de nouveaux assemblages d’objets ou inventer de nouveaux récits en les écrivant. L’oralité a toujours eu cette capacité : quand on raconte une histoire de multiples fois à des personnes différentes, elle change.
En étudiant différents contes folkloriques, on se rend compte que c’est souvent le même mais adapté d’une région à une autre : la végétation change, les monstres sont liés à des problématiques sociologiques spécifiques etc. Le Tarasque par exemple est un monstre provençal hybride: un dragon avec une tête de lion, un corps de poisson, des écailles de tortues… C’est aussi une rivière qui traverse tout le sud et particulièrement la ville de Tarascon. La légende disait que quand les gens traversaient la rivière, iels étaient mangé·e·s par le Tarasque. Aujourd’hui il y a une usine de papier extrêmement polluante dans ce village, c’est pour moi le nouveau monstre.
Quand on étudie la pop culture c’est important de s’intéresser à ce qu’il y avait avant et je crois que les contes folkloriques c’est la première pop culture. Je trouve très riche de confronter les histoires d’hier et d’aujourd’hui. On constate alors que les choses n’ont pas beaucoup évolué, que c’est nécessaire de questionner ces récits et plus largement ce qu’ils racontent, les problématiques qui traversent nos sociétés. Je m’intéresse aux contes provençaux notamment parce que je trouve qu’ils gagneraient à être ré-écrits. On revient à question de la métalepse : il s’agit de s’introduire dans le récit. C’est ce que je cherche à faire dans mon travail quand je donne à voir formellement ces récits, à les ré-écrire et à les transformer.
Je vais réaliser un atelier de transmission (« rouvrir le monde » avec la galerie Arcade) cet été avec des enfants de Noailles, à Marseille. Ensemble, nous allons faire des carreaux que nous allons installer dans l’espace public, pour se le réapproprier et pour comprendre que c’est possible de s’insérer dans les récits qui nous entourent.
Outre la figure du monstre, qui t’intéresse particulièrement,
au Domaine du Défend à Rousset, l’architecture – qui évoque spécifiquement le mythe de la ferme – a retenu ton intérêt.
De la même manière que la grotte de la Sainte-Baume, je trouve que cette maison a un potentiel performatif. J’adore la maison du domaine du Défend, elle exerce une forte aura sur moi, je la trouve très belle, je suis très attirée par les volumes des portes, des fenêtres, des vieilles armoires etc. J’ai beaucoup parlé de décors depuis que je suis ici, en particulier avec notre hôte Olivier Coutagne, qui a travaillé dans les décors de théâtre et de cinéma.
Cette maison essaie de performer l’image de la maison de campagne et je pense qu’elle est triste d’être vide (tout en étant pourtant pleine de bordel). Pour l’instant, elle est tellement occupée à performer cette image que ça l’empêche de devenir autre chose. Son image est décalée par rapport à l’usage très différent qui pourrait en être fait aujourd’hui : nos hôtes cherchent à en donner l’accès à des associations, comme Voyons Voir notamment.
Est-ce que cette notion de « performativité » des architectures est récente dans ton travail ?
Avant d’arriver, je travaillais déjà sur les potentialités performatives des bâtiments (ça avait commencé avec la Sainte Baume) mais aussi avec Hestia, la dernière pièce que j’ai faite pour une exposition qui s’est déroulée à la galerie Arcade, à Marseille en janvier 2023. Cette sculpture donnait à voir une toiture un peu monstrueuse sur laquelle il y avait divers éléments (des doigts, des tentacules…). Les tuiles en cire ne paraissaient ni étanches ni stables. Avec cette pièce, je voulais déjà évoquer la figure de la maison issue de la pop culture – en m’inspirant de séries comme 7 à la maison – symbole fragile de la famille parfaite et hétéronormée, qui forme de futurs adultes performants dans la société…
Être en résidence sur le domaine du Défend me permet de poursuivre mon travail sur la maison tout en portant un nouveau regard sur ce thème, et de le lier à mes recherches sur les maisons hantées. En reprenant des symboles pour en faire autre chose, c’est comme si je proposais ma propre version de cette maison et que je réécrivais son histoire.
Cette question du design est intéressante, ce n’est pas la première fois qu’on me la pose. Pendant mon DNSEP, Clotilde Viannay, qui a fondé la revue L’Incroyable, membre du jury, pensait me déstabiliser en me disant que certaines de mes formes et couleurs faisaient penser à des registres qu’utilisent ses étudiants en école de design ou de graphisme. Cette remarque ne m’a pas gênée, j’ai effectivement l’impression de travailler avec la mode, la pop culture, le design…
La contrefaçon m’intéresse beaucoup, je cherche donc à m’approprier ces formes. Je pioche dans différents registres pour les détourner. En littérature il existe une figure de style qui s’appelle la « métalepse » : le fait de s’insérer dans un récit, de le poursuivre en partant du principe qu’un élément fictionnel est réel.
Quand je reprends les codes du design, j’ai envie de faire des objets qui se rebellent. On peut en effet utiliser le terme de paradoxe parce que, dans l’histoire du design, qui est aujourd’hui plutôt associé à des savoir-faire industriels, la trace de la main est absente. Je vois des artistes qui travaillent autour des mêmes sujets que moi mais qui choisissent d’aborder ces thématiques en utilisant des imprimantes 3D ou de l’animation, alors que ce n’est pas du tout mon cas ; j’ai un travail tourné vers l’artisanat, vers le low material.
Comment est né cet attrait pour les objets et leur aura ?
Je pense que ma fascination pour l’aura des objets a débuté de façon très instinctive mais dans un second temps, j’ai eu envie de regarder plus précisément dans mon histoire pour comprendre d’où venait cet attrait.
D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été obsédée par les objets. Enfant, je faisais des rêves très réels où je possédais telle ou telle chose. Mes souvenirs les plus purs, c’est quand j’ai pu accéder à des biens dont j’avais envie depuis longtemps. Ce sont mes tout premiers souvenirs, ils n’ont pas lieu avec des personnes mais plutôt avec des objets.
Je suis née en Angleterre, et quand je suis arrivée en France à l’âge de six ans, je ne parlais pas la langue. C’est à travers les objets que j’ai pu tisser des liens avec les personnes de mon entourage : même si nous ne pouvions pas échanger avec les mots, nous pouvions communiquer grâce à eux. En étant très différent·e·s, ils nous rapprochaient.
Je suis aussi obnubilée par les classes sociales et je crois qu’une grande partie de ce qu’il se passe entre les gens de différentes classes passe par les objets. À l’adolescence, il nous fallait un téléphone, et c’était déjà un marqueur social fort. Tout ça est aujourd’hui passé à travers le filtre de la nostalgie et du kitsch alors qu’à l’époque c’était plutôt assez violent et révélateur de nos classes sociales.
Par ailleurs, la famille de ma mère est très catholique, je suis donc souvent allée à la messe étant enfant. Dans ce contexte, le rapport des fidèles aux objets est très fort. Le principe de transsubstantiation en est un exemple, le vin est le sang du christ, le pain est son corps. C’est la même chose pour les reliques, qu’il y ait autant d’énergie déployée autour d’un doigt me fascine. L’objet dépasse sa fonction pour devenir autre chose. Je crois que c’est un principe que j’ai absorbé et que l’on retrouve dans mon travail.
Les différentes étapes du processus de moulage des objets, apprises aux côtés de ta mère doreuse à la feuille d’or, ne semblent en effet pas inviter nécessairement à l’expérimentation libre. Comment t’affranchis-tu des règles et des contraintes techniques liées à l’usage de ce médium ?
J’ai eu cette discussion il y a quelques années avec un ami artiste marseillais. Il faisait de la sérigraphie dans le même atelier que moi, et me voyait préparer du silicone en reprochant à ce médium son exigence de précision. Il faut une balance et des pipettes, 5 gr de catalyseur en trop et ça ne prend pas. Ça ne semble a priori pas vraiment aller de pair avec une pratique instinctive, avec le geste de la main, le travail de matière… Mon ami me disait que mon travail n’était pas punk, mais je crois au contraire qu’il est possible faire quelque chose de très punk avec un médium très traditionnel !
Je suis très attachée à l’histoire de la sculpture. Même si mon travail est plutôt post-moderne, j’ai beaucoup regardé et étudié l’histoire de l’art, et plus spécifiquement la sculpture minimale. Je suis une grande amoureuse des matériaux, et pour leur faire exprimer tout leur potentiel je crois que je dois passer par la technique. Choisir de ne pas m’attaquer à la technique, m’interdire d’emprunter ce chemin là serait au contraire une très grande contrainte. Traditionnellement, en tant que femmes nous ne sommes pas encouragées à développer ces savoirs, peut-être que c’est aussi ce qui m’a convaincu d’aller vers des matériaux dit « masculins », comme le métal par exemple. En terme d’expérimentation, si je m’approprie une technique, je crois que je peux ensuite aller plus loin : pour contourner les gestes, j’ai besoin de les maitriser. Dans ma pratique il y a trois moments principaux, celui de la récolte, puis du moulage et enfin de l’assemblage.
Après avoir sélectionné les objets, le terme que j’emploie souvent quand je parle de moulage c’est celui « d’autopsie ». Il faut coucher l’objet sur la table, l’observer, regarder où sont les creux, décider où faire les plans de joints etc. C’est un moment d’analyse à froid de l’objet, avant de préparer la bonne quantité de silicone, de faire la chape, puis de couler la matière qui va constituer le tirage.
Même si ce travail est plutôt technique, je retire beaucoup de jouissance de ce temps passé à l’atelier, à être dans une gestuelle, à manipuler les matériaux etc. C’est joyeux et je trouve que c’est important.
Je pense que la notion d’expérimentation concerne plutôt la phase d’assemblage de plusieurs tirages entre eux. C’est à ce moment là qu’il se passe « n’importe quoi ». C’est le cas dans la pièce Trip baby trip, où il y a des dés à 8 faces, des grelots, des perles, des angelots… Assembler tous ces objets c’est pour moi une manière de piocher dans plusieurs registres pour lier mes recherches théoriques. À l’inverse d’un designer, je ne fais pas de croquis. Rien n’est planifié à l’avance, tout se passe très vite, je teste énormément de choses avant de m’arrêter sur une pièce.
La matérialité de tes pièces est affirmée, cette recherche est centrale dans ta pratique. Tu prélèves et assembles des formes, tu les superposes et les impliques. Cette manière de travailler te permet-elle, en manipulant physiquement les matières, de manipuler intellectuellement les références et les métaphores qu’elles induisent ?
J’aime bien la phrase de Thomas Schütte « On ne fait pas de l’art, on ne que faire en sorte qu’il se produise. C’est tout ce qu’on peut faire : on se prépare et quelque chose arrive. L’art arrive. » (même si elle est un peu prétentieuse). Je trouve qu’il y a une part de vérité dans cette phrase, et qu’elle correspond assez bien à mon travail.
Dans mon atelier, j’ai beaucoup d’anciennes œuvres et de tirages que je n’ai pas encore utilisés. Si ce que je fais là ne marche pas, ce n’est pas grave, je construis un autre type de socle, j’ajoute un élément, j’assemble, je modifie, et au bout d’un moment, il se passe quelque chose. Un tirage que j’ai réalisé 3 mois plus tôt, dont je ne savais pas quoi faire à ce moment là, permet de compléter une autre pièce. Les œuvres fonctionnent comme des questions ouvertes, auxquelles il manque parfois juste un élément pour finaliser l’équation.
Tes œuvres sont séduisantes : tu utilises l’esthétique et les objets du marketing et de la pop culture pour les détourner, les transformer, les métamorphoser en sujets d’une narration queer. Quels sont les effets que tu cherches à produire avec cette décontextualisation / distorsion ?
Je suis allée visiter la grotte de la Sainte Baume avec des ami·e·s et j’ai été surprise par la spiritualité qui régnait dans ce lieu. Je trouvais que cette grotte avait un grand potentiel performatif. J’avais même l’impression qu’elle avait l’aura d’un lieu de spectacle ou d’un parc d’attraction. Elle avait un vrai potentiel de décor.
À ce moment là, je collectionnais des photographies de pop stars endormies. Je trouvais que ça avait l’air épuisant d’être une star, que ces gens étaient sans cesse sous le regard des caméras et qu’iels se devaient d’être exemplaires. Britney Spears est quelqu’un qu’on a vu grandir, – elle est dans le star-système depuis qu’elle a 4 ans – personne n’a travaillé aussi dur qu’elle. Je cherche à ne surtout pas porter de regard moqueur ou critique sur ces pop stars, car il me semble que ces personnes vivent des tragédies : elles sont sexualisées ? Maltraitées dans les médias, leurs vies amoureuses sont terribles, elles sont utilisées pour faire gagner beaucoup d’argent à d’autres (souvent des hommes)…
Après avoir visité la Sainte Baume, j’ai lu des textes sur Marie-Madeleine et j’ai été frappée par cette histoire, et surtout par le traitement qui en était fait (que ce soit dans la bible ou dans d’autres textes historiques). Marie-Madeleine ne correspondait pas à l’image qu’on se faisait d’une jeune fille virginale ; elle était décrite comme quelqu’un de très charnel, c’est un personnage très sexué. Dans toutes les peintures de la renaissance on la reconnaît à sa beauté et à ses longs cheveux. Elle est envoyée à la Sainte Baume en réclusion, et doit y passer le reste de sa vie. Il y a beaucoup d’eau dans cette grotte, symbole de purification, parce que Marie-Madeleine doit se laver en permanence les cheveux et les pieds. Cet aspect de son histoire me fait par ailleurs penser à la religion juive (la religion de la famille de mon père) : quand les femmes ont leurs règles elles doivent aller à la mikvé pour se purifier.
En liant tous ces éléments, j’ai eu envie de créer un espace de recueillement. Je pensais à la manière dont les gens se déplaçaient à l’intérieur de la grotte. J’aimais beaucoup la forme du puits ou du petit bassin, devant lequel on prend un temps pour regarder à l’intérieur. La pièce The I of the storm (2022) est un bassin en fausse roche, qu’on appelle la « rocaille », une technique ancienne qui nécessite du grillage et des couches de béton pour imiter la nature, très DIY (do it yourself). Ce n’est pas du tout noble comme façon de travailler mais c’est pourtant rentré dans l’histoire de l’art et du design. La mosaïque au fond fait quant à elle référence à l’espace public.
C’est une œuvre qui pose formellement des questions d’ordre féministe. Quelles sont tes inspirations littéraires, philosophiques ou artistiques qui insufflent à tes œuvres cette essence féministe ?
Pour moi ces trois thèmes réunis – la grotte de la Sainte Baume, la figure de l’idole (Britney ou Marie-Madeleine) et les éléments issus de l’espace public – posent des questions qui me semblent intéressantes. C’est aussi une invitation aux personnes qui regardent cette pièce à prendre un moment pour réfléchir à ces questions : comment voit-on ces très jeunes filles, comment les perçoit-on dans l’espace public ? Lorsqu’on se rend dans la grotte, quelles sont nos réactions et comment ce lieu joue son rôle ?
Je suis animiste, je pense que les objets sont vivants. En ce moment je lis des écrits « object oriented feminism », c’est une branche de phénoménologie (l’étude des phénomènes) qui est appliquée à l’étude des objets. Des écrivaines féministes se sont emparées de ces théories, et ont proposé le postulat que les femmes, à force d’être objectifiées, pouvaient tisser davantage de liens avec les objets qu’avec les hommes. Ce sont des notions étudiées par Ursula K Le Guin ou Donna Haraway (avec sa théorie du panier, quand elle dit qu’il faut davantage s’intéresser au panier qu’aux hommes). Je m’intéresse aux artistes qui célèbrent une autre facette du féminisme dans l’art (peut-être plus joyeux, libre ou débridé) comme Sylvie Fleury, Lynda Benglis, Anita Molinero ou Stéphanie Cherpin.
J’ai été élevée par une femme seule donc j’ai toujours été très féministe. J’ai aussi beaucoup lu de littérature féministe, comme Silvia Federici, Virginie Despentes ou Mona Chollet. Quand j’étais aux Beaux-Arts, j’avais l’impression que mon féminisme était moins lisible dans mon travail. Il s’est accru depuis que je suis sortie de l’école, peut-être parce que j’ai subi encore plus de violence, et de situations discriminantes dans le monde du travail. J’ai constaté que sur une promo de 40 personnes, il y a 30 filles et 10 garçons et chaque année de plus en plus de femmes arrêtent de faire de l’art parce que c’est trop dur. Ça me semblait déjà difficile aux Beaux-Arts mais finalement j’étais presque protégée de ce que ça allait devenir.
Mes œuvres me semblent de plus en plus « gores » et je crois que c’est lié à ma colère qui augmente contre le patriarcat. Plus je suis en colère plus j’ai envie d’une revanche. Je retrouve cette notion de revanche dans les films de genre. Le film Massacre à la tronçonneuse, de Tobe Hooper, je le vois comme une revanche du prolétariat : c’est une famille qui travaillait à l’abattoir, ils se sont fait licencier et se sont mis à découper des gens dans leurs garages. Quand Massacre à la tronçonneuse est sorti, il a été censuré, tout le monde à eu très peur de ce film, alors que le réalisateur voulait que ce soit un film grand public, c’est un peu une blague qui n’a pas été comprise !
J’ai découvert qu’il y a une branche du cinéma de genre, les « revenge movie » qui traitent de femmes qui prennent leurs revanches après un viol. Souvent ces films sont traités à travers le prisme de l’humour, ce que je trouve aussi étrange que génial : comme si nous les femmes étions capable de garder notre second degré en toutes circonstances.
Comment cette pensée féministe s’incarne-t-elle dans tes recherches ?
Je travaille sur la maison hantée par exemple. C’est un sujet qui a beaucoup été traité par le cinéma, plus que par la littérature. Dans le film Rebecca de Hitchcock, la maison est hantée par l’ex femme de celui qui ramène sa nouvelle copine (qui évidemment a 20 ans de moins etc). Ce que je trouve intéressant dans ce film, c’est que la femme et la maison ne deviennent qu’une. Il y a des films où l’on trouve la figure de la mariée abandonnée le jour de ses noces, qui attend, dans une énorme robe devant un repas en train de pourrir : la femme et le repas ne deviennent qu’un. Il y a une forme de porosité épouvantable qui traverse les femmes et ce lieu-là.
J’ai beaucoup travaillé sur le domestique, tout en ayant envie de travailler sur le féminisme, et j’ai l’impression que j’arrive davantage à lier les deux aujourd’hui, notamment à travers l’exploration de cette thématique de la maison hantée.
Tu t’intéresses aux contes provençaux et plus largement à l’oralité, quels rôles jouent la parole et le texte dans ton travail ?
J’ai toujours écrit. Je n’ai pas ressenti le besoin de faire cohabiter ce médium avec mon travail de sculpture. Je pense que la sculpture a son langage et que la littérature a le sien (avec ses propres médiums, comme la micro édition, l’affiche, le roman, le scénario…). Les deux peuvent parfois se rencontrer mais pour moi ce sont deux langages distincts. Par contre l’enjeux est commun : inventer des récits par de nouveaux assemblages d’objets ou inventer de nouveaux récits en les écrivant. L’oralité a toujours eu cette capacité : quand on raconte une histoire de multiples fois à des personnes différentes, elle change.
En étudiant différents contes folkloriques, on se rend compte que c’est souvent le même mais adapté d’une région à une autre : la végétation change, les monstres sont liés à des problématiques sociologiques spécifiques etc. Le Tarasque par exemple est un monstre provençal hybride: un dragon avec une tête de lion, un corps de poisson, des écailles de tortues… C’est aussi une rivière qui traverse tout le sud et particulièrement la ville de Tarascon. La légende disait que quand les gens traversaient la rivière, iels étaient mangé·e·s par le Tarasque. Aujourd’hui il y a une usine de papier extrêmement polluante dans ce village, c’est pour moi le nouveau monstre.
Quand on étudie la pop culture c’est important de s’intéresser à ce qu’il y avait avant et je crois que les contes folkloriques c’est la première pop culture. Je trouve très riche de confronter les histoires d’hier et d’aujourd’hui. On constate alors que les choses n’ont pas beaucoup évolué, que c’est nécessaire de questionner ces récits et plus largement ce qu’ils racontent, les problématiques qui traversent nos sociétés. Je m’intéresse aux contes provençaux notamment parce que je trouve qu’ils gagneraient à être ré-écrits. On revient à question de la métalepse : il s’agit de s’introduire dans le récit. C’est ce que je cherche à faire dans mon travail quand je donne à voir formellement ces récits, à les ré-écrire et à les transformer.
Je vais réaliser un atelier de transmission (« rouvrir le monde » avec la galerie Arcade) cet été avec des enfants de Noailles, à Marseille. Ensemble, nous allons faire des carreaux que nous allons installer dans l’espace public, pour se le réapproprier et pour comprendre que c’est possible de s’insérer dans les récits qui nous entourent.
Outre la figure du monstre, qui t’intéresse particulièrement,
au Domaine du Défend à Rousset, l’architecture – qui évoque spécifiquement le mythe de la ferme – a retenu ton intérêt.
De la même manière que la grotte de la Sainte-Baume, je trouve que cette maison a un potentiel performatif. J’adore la maison du domaine du Défend, elle exerce une forte aura sur moi, je la trouve très belle, je suis très attirée par les volumes des portes, des fenêtres, des vieilles armoires etc. J’ai beaucoup parlé de décors depuis que je suis ici, en particulier avec notre hôte Olivier Coutagne, qui a travaillé dans les décors de théâtre et de cinéma.
Cette maison essaie de performer l’image de la maison de campagne et je pense qu’elle est triste d’être vide (tout en étant pourtant pleine de bordel). Pour l’instant, elle est tellement occupée à performer cette image que ça l’empêche de devenir autre chose. Son image est décalée par rapport à l’usage très différent qui pourrait en être fait aujourd’hui : nos hôtes cherchent à en donner l’accès à des associations, comme Voyons Voir notamment.
Est-ce que cette notion de « performativité » des architectures est récente dans ton travail ?
Avant d’arriver, je travaillais déjà sur les potentialités performatives des bâtiments (ça avait commencé avec la Sainte Baume) mais aussi avec Hestia, la dernière pièce que j’ai faite pour une exposition qui s’est déroulée à la galerie Arcade, à Marseille en janvier 2023. Cette sculpture donnait à voir une toiture un peu monstrueuse sur laquelle il y avait divers éléments (des doigts, des tentacules…). Les tuiles en cire ne paraissaient ni étanches ni stables. Avec cette pièce, je voulais déjà évoquer la figure de la maison issue de la pop culture – en m’inspirant de séries comme 7 à la maison – symbole fragile de la famille parfaite et hétéronormée, qui forme de futurs adultes performants dans la société…
Être en résidence sur le domaine du Défend me permet de poursuivre mon travail sur la maison tout en portant un nouveau regard sur ce thème, et de le lier à mes recherches sur les maisons hantées. En reprenant des symboles pour en faire autre chose, c’est comme si je proposais ma propre version de cette maison et que je réécrivais son histoire.