La fête de l’insignifiance
Marion Aeschlimann & Arthur Debert, Pável Aguilar, Amélie Bargetzi, David Berweger, Eva Borner, Vincent Gallais, Jannik Giger, Danae Hoffmann, Kaltrinë Rrustemi, Flurina Sokoll
Marion Aeschlimann & Arthur Debert, Pável Aguilar, Amélie Bargetzi, David Berweger, Eva Borner, Vincent Gallais, Jannik Giger, Danae Hoffmann, Kaltrinë Rrustemi, Flurina Sokoll
Exposition présentée à la Kunsthalle de Mulhouse, dans le cadre de la Regionale du 27 novembre 2020 au 10 janvier 2021
L’exposition La fête de l’insignifiance, en écho au roman éponyme de Milan Kundera est construite à partir de toute l’OEuvre du romancier. Elle propose aux visiteurs•ses de faire l’expérience, en découvrant les œuvres de onze artistes allemand•e•s, suisses et français•es, d’une aventure romanesque parfaitement ordinaire et pourtant source des plus grandes questions existentielles : la vie humaine.
Traversés par de multiples réflexions philosophiques, les romans de Milan Kundera font oeuvre de pensée. C’est peut-être son regard amusé et désinvolte sur le caractère ambigu, paradoxal, irraisonné et insignifiant de l’existence qui est, aujourd’hui encore, si contemporain. Kundera marche dans les pas de Merleau-Ponty, selon qui le rôle de l’art, comme de la littérature ou de la philosophie, est d’explorer le monde, de réapprendre à le regarder pour, peut-être, mieux le comprendre. Les artistes réuni•e•s dans La fête de l’insignifiance ouvrent chacun•e•s différentes portes pour accéder au monde et pour tenter de percer le mystère de la vie humaine alors même que « le sens de la vie, c’est justement de s’amuser avec la vie ! » ( Risibles amours). À travers les yeux de divers alter egos expérimentaux et imaginaires, on découvre dans cette exposition les thématiques du kitsch et de l’humour, de l’identité et de l’altérité, de la matérialité du monde et de l’ironie de l’Histoire. La fête de l’insignifiance est composée comme une pièce musicale faite de variations et de répétitions de ces grands thèmes. Les chapitres de l’exposition s’enrichissent de séries de réflexions qui se déploient dans l’espace, se répondent avec légèreté ou se contredisent avec aplomb.
Dans le décor d’une scène de théâtre teintée d’une étrangeté surréaliste, au loin, quelques bustes fantômes de Danae Hoffmann tournoient lentement dans les airs. Elles invitent les visiteurs•ses à entrer dans la danse et à progresser ici comme les personnages d’un roman. Les installations de Vincent Gallais constituent une possible architecture de l’espace, dont les potentiels arrangements produisent une distorsion de la temporalité, comme si la pomme de pain fraîchement cueillie était soudainement fossilisée.
Ici, les colossales cheminées de marbre de David Berweger semblent pouvoir s’envoler comme un château de cartes, et l’ensemble sculptural de Flurina Sokoll ou l’installation reconstituant un salon confortable de Eva Borner laissent entrevoir la possibilité de se sentir « chez soi » - thématique philosophique chère à Kundera - libre de s’installer dans un siège de conversation et de se laisser progressivement glisser entre les pages d’un livre, alors que notre regard s’enfuit vers l’immensité de l’océan.
L’auteur disait à propos de la rencontre de Tomas et de Tereza dans L’Insoutenable légèreté de l’être, que les vies humaines sont composées comme une pièce musicale. « L’homme, guidé par le sens de la beauté, transforme l’évènement fortuit en un motif qui va ensuite s’inscrire dans la partition de sa vie ». La musique rythme La fête de l’insignifiance, comme en témoignent les oeuvres de Jannik Giger. Il utilise des instruments détournés pour créer des expériences intimes invitant à questionner notre rapport à la justice et à l’égalité dans une dimension politique et sociale, ou au corps et à l’érotisme séduisant des objets de consommation d’un clip publicitaire. Ailleurs, dans un futur proche, les geeks Arthur Debert & Marion Aeschlimann tentent de rendre visibles les images des films dorénavant interdits d’un ciné-club très personnel, dans une émission radiophonique, produisant ainsi une forme d’ekphrasis contemporaine. Le caractère comique et absurde de l’entreprise ne la prive pas de développer, avec autant de poésie que d’humour, à travers un nouvel épisode sur les martiens, un vaste questionnement sur l’identité, l’altérité et sur la figure de l’étranger.
Comme Ulysse qui rentre sur son île après deux décennies d’ Odyssée, comme les personnages d’Irena et de Josef dans L’ignorance, ou de Ludvik dans La Plaisanterie, Kaltrinë Rrustemi et Amélie Bargetzi, font le constat de l’influence profonde de l’histoire politique, des guerres et des révolutions de leur pays d’origine sur leur vie. La grande Histoire n’est-elle pas faite des histoires transmises, souvent de génération en génération, parfois oubliées puis reconstituées, comme un cadavre exquis ? Ainsi apparaît sa propension à nous faire des pieds de nez parfois ironiques et cruels. Pourtant, « l’insignifiance de tout étant notre lot, il ne faut pas la porter comme une tare, mais savoir s’en réjouir », pensait Chantale dans L’identité.
Bienvenu•e•s dans cette grande Fête de l’insignifiance où, comme des personnages de roman, l’on refuse d’être sujets d’une épopée trop sérieuse.
Traversés par de multiples réflexions philosophiques, les romans de Milan Kundera font oeuvre de pensée. C’est peut-être son regard amusé et désinvolte sur le caractère ambigu, paradoxal, irraisonné et insignifiant de l’existence qui est, aujourd’hui encore, si contemporain. Kundera marche dans les pas de Merleau-Ponty, selon qui le rôle de l’art, comme de la littérature ou de la philosophie, est d’explorer le monde, de réapprendre à le regarder pour, peut-être, mieux le comprendre. Les artistes réuni•e•s dans La fête de l’insignifiance ouvrent chacun•e•s différentes portes pour accéder au monde et pour tenter de percer le mystère de la vie humaine alors même que « le sens de la vie, c’est justement de s’amuser avec la vie ! » ( Risibles amours). À travers les yeux de divers alter egos expérimentaux et imaginaires, on découvre dans cette exposition les thématiques du kitsch et de l’humour, de l’identité et de l’altérité, de la matérialité du monde et de l’ironie de l’Histoire. La fête de l’insignifiance est composée comme une pièce musicale faite de variations et de répétitions de ces grands thèmes. Les chapitres de l’exposition s’enrichissent de séries de réflexions qui se déploient dans l’espace, se répondent avec légèreté ou se contredisent avec aplomb.
Dans le décor d’une scène de théâtre teintée d’une étrangeté surréaliste, au loin, quelques bustes fantômes de Danae Hoffmann tournoient lentement dans les airs. Elles invitent les visiteurs•ses à entrer dans la danse et à progresser ici comme les personnages d’un roman. Les installations de Vincent Gallais constituent une possible architecture de l’espace, dont les potentiels arrangements produisent une distorsion de la temporalité, comme si la pomme de pain fraîchement cueillie était soudainement fossilisée.
Ici, les colossales cheminées de marbre de David Berweger semblent pouvoir s’envoler comme un château de cartes, et l’ensemble sculptural de Flurina Sokoll ou l’installation reconstituant un salon confortable de Eva Borner laissent entrevoir la possibilité de se sentir « chez soi » - thématique philosophique chère à Kundera - libre de s’installer dans un siège de conversation et de se laisser progressivement glisser entre les pages d’un livre, alors que notre regard s’enfuit vers l’immensité de l’océan.
L’auteur disait à propos de la rencontre de Tomas et de Tereza dans L’Insoutenable légèreté de l’être, que les vies humaines sont composées comme une pièce musicale. « L’homme, guidé par le sens de la beauté, transforme l’évènement fortuit en un motif qui va ensuite s’inscrire dans la partition de sa vie ». La musique rythme La fête de l’insignifiance, comme en témoignent les oeuvres de Jannik Giger. Il utilise des instruments détournés pour créer des expériences intimes invitant à questionner notre rapport à la justice et à l’égalité dans une dimension politique et sociale, ou au corps et à l’érotisme séduisant des objets de consommation d’un clip publicitaire. Ailleurs, dans un futur proche, les geeks Arthur Debert & Marion Aeschlimann tentent de rendre visibles les images des films dorénavant interdits d’un ciné-club très personnel, dans une émission radiophonique, produisant ainsi une forme d’ekphrasis contemporaine. Le caractère comique et absurde de l’entreprise ne la prive pas de développer, avec autant de poésie que d’humour, à travers un nouvel épisode sur les martiens, un vaste questionnement sur l’identité, l’altérité et sur la figure de l’étranger.
Comme Ulysse qui rentre sur son île après deux décennies d’ Odyssée, comme les personnages d’Irena et de Josef dans L’ignorance, ou de Ludvik dans La Plaisanterie, Kaltrinë Rrustemi et Amélie Bargetzi, font le constat de l’influence profonde de l’histoire politique, des guerres et des révolutions de leur pays d’origine sur leur vie. La grande Histoire n’est-elle pas faite des histoires transmises, souvent de génération en génération, parfois oubliées puis reconstituées, comme un cadavre exquis ? Ainsi apparaît sa propension à nous faire des pieds de nez parfois ironiques et cruels. Pourtant, « l’insignifiance de tout étant notre lot, il ne faut pas la porter comme une tare, mais savoir s’en réjouir », pensait Chantale dans L’identité.
Bienvenu•e•s dans cette grande Fête de l’insignifiance où, comme des personnages de roman, l’on refuse d’être sujets d’une épopée trop sérieuse.
Curatrice / Kuratorin : Leïla Couradin
Vues de l’exposition La Fête de l’insignifiance, Kunsthalle de Muslhouse. Photographies Sébastien Bozon