Leïla Couradin


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EXPOSITIONS


Camille Boileau - Le jardin des possibles 

Jeanne Chopy - Le rideau bouge encore ~

Lisa Duroux et Julie Kieffer - De cadence et d’amour

Adélaïde Feriot - Polaris

Bettina Samson - Spectral Summer, Le Parc Saint Léger 

Bénédicte Lacorre - Did something real happen ?

Vincent Gallais - L’instant de plus

Baptiste Charneux et Delphine Gatinois - Sécher le perroquet

La fête de l’insignifiance - exposition collective, Kunsthalle de Mulhouse 

Carla Adra - Bouche 

Léo Sallez - Relais des gourmets 

Victoria David - Snow Gum




TEXTES  


Catalogue de l’exposition des élèves de l’EMAP Corbas - notices

Camille Sart - Entretien (Résidence Voyons Voir)

Rémi Lécussan - Entretien (Résidence Voyons Voir) 

Brontë Scott - Entretien
(Résidence Voyons Voir) 

Amalia Laurent - L’édifice immense du souvenir, exposition au CACN

Collection du FRAC île de France - notices

Collection de EAP Vénissieux - notices

Valentin Martre - Sortie de Résidence Voyons Voir au Chantier Naval Borg

Un calamar à la surface, Rémi Lécussan, Ludovic Hadjeras, Benoît Pype

Amalia Laurent - Entretien, POST it RÉALITÉS

Claire-Lise Panchaud - Portrait

Collection de l’IAC de Villeurbanne (FRAC Rhône Alpes) - notices

Jean-Christophe Couradin - Portrait 

Christopher Daharsh - BIKINI

Frédéric Rouarch - La traversée 

Pierre Unal Brunet - Entretien, POST it MONSTRE

Celine Pierre - Entretien, Point Contemporain 

Sophie Hasslauer - Portrait, Point Contemporain

Katinka Bock - Portrait, Zérodeux 

Marianne Villière - Entretien, POST it #08

Romuald Jandolo - Entretien, CARF 03

Baptiste Charneux - Entretien, POST it #06

Anaëlle Rambaud - Entretien, POST it #04

Carla Adra - Entretien, POST it #02

Corentin Canesson - Entretien, CARF 02

Thomas Schmahl - Portrait, Point Contemporain

Predicted Autumn, Jochen Lempert, La belle revue 

L’odeur du ciel, Damien Fragnon et Naomi Maury, Tzvetnik

Radio, Katinka Bock, Point Contemporain

Pavillon, Guillaume Perez, Artaïs 

Les conventions ordinaires, Chloé Serre, La BF15, Zérodeux 

Partout, mais pas pour très longtemps, Convoi exceptionnel, Point Contemporain

Peaux des murs, Claire Georgina Daudin, Point Contemporain

Night Soil - Nocturnal Gardening, Mélanie Bonajo, La critique 

Entre-temps, portrait de Rémi De Chiara, Point contemporain

Cleptomanie Sentimentale, collection Saves, Point contemporain

Les coulisses du plateau, portrait de Naomi Maury, Point contemporain 

Sous la surface, portrait de Julie Digard, Point contemporain 

Eloge de l’imprévu, portrait de Damien Fragnon, Point contemporain

Le divan des murmures, exposition collective au Frac Auvergne, Zérodeux 

La Fête, La Musique, La Noce, Maria Loboda, Zérodeux 

Le monde ou rien, exposition collective au Gac Annonay, La belle revue 

Images évanescentes et dessins absents, Claire Georgina Daudin, Le mauvais coton

Les bruits silencieux, Olivier Zabat, Le mauvais coton

Dancing in the Studio, Pedro Barateiro, Le mauvais coton

Etoffes à décor de circonstance, Joséphine Kaeppelin, Le mauvais coton

Conversations silencieuses, exposition collective au Réverbère, Le mauvais coton

Marcher à la dérive, Alex Chevalier et Guillaume Perez, Le mauvais coton

Les éléphants se cachent pour mourir, Maxime Lamarche, Le mauvais coton

Promenade urbaine en négatif, Sehyong Yang, Le mauvais coton

Histoire des ensembles, Mathilde Chénin, Le mauvais coton

Cave Studies, Vincent Broquaire, Le mauvais coton 


La Fête, La Musique, La Noce, 
Maria Loboda,
compte rendu d’exposition


Institut d’art contemporain de Villeurbanne, 2.06.2017 - 13.08.2017

Publié sur le site de la revue Zerodeux, 2017


Sur le carton d’invitation comme sur la vitre centrale de la verrière de l’IAC, se lit sur un ruban, comme une promesse ondoyante, La Fête, La Musique, La Noce. Si le titre de cette exposition semble inviter aux réjouissances, les collages de symboles multiculturels qui y sont présentés constituent un véritable canevas truffé d’anachronismes inquiétants et d’interférences déconcertantes. Dès les premiers instants de ce voyage le ton est donc donné : La Fête, La Musique, La Noce pourrait rapidement prendre des airs de violente bataille… Pour en sortir indemne il est primordial de ne pas céder à la confusion et de prendre garde à ne pas se laisser séduire par des œuvres aux apparences lisses, mais de tenter de déceler les clés qui en révèlent les redoutables aspérités. Il s’agit donc d’une enquête qu’il faut mener de salle en salle (chacune identifiée par un titre) tout au long de ce parcours qui s’apparente à un véritable récit structuré. N’est-ce pas de cette manière, passant mentalement de pièce en pièce, que les orateurs grecs mémorisent leurs discours ?

Dès la première salle, désignée comme l’antichambre de cette architecture hybride, un portail monumental impose une prise de décision : To Separate the Sacred From the Profane. Faut-il le franchir et donc changer d’état ? Au risque de ne pouvoir faire demi-tour… Le corps alors dessinerait dans l’espace une lemniscate – symbole de l’infini – du latin lemiscus : ruban. Peut-être est-ce là un premier indice… De part et d’autre de ce portique végétal, des photographies de mains masculines d’un potentiel assassin, gantées de cuir, tentent d’exécuter des mudras[1] mais le mouvement ici empêché laisse supposer une forme de violence qui ne cessera d’affleurer dans chacune des pièces. Gardons à l’esprit les fresques murales de Maria Loboda aux couleurs aussi chatoyantes que toxiques, qui empoisonneraient un visiteur trop fasciné (Walldrawing, arsenic, cyanide, mercury, lead, 2010).

Poursuivant son parcours, le spectateur entre dans un espace circulaire évoquant la tholos grecque que décrivait Homère. Le péristyle a disparu laissant place à une rampe en fer forgé qui se fait texte ; long bâillement, prière psalmodiée ou peut-être hurlement dont on ne peut qu’imaginer l’écho retentissant. Au centre de ce petit temple une colonne en ruine supporte une queue de satyre. Ces deux références formelles faites à l’architecture grecque et au compagnon de Dionysos ici rapprochées suscitent une impression étrange de collage antithétique : la chair et la pierre font alors corps. Les moulures qui ornent La grande galerie suggèrent un intérieur bourgeois dans lequel est partiellement reconstitué un bas-relief (The Wealth of Neolithic Elites, 2017). Si l’accrochage, éminemment muséal, laisse à penser que ces fragments sculptés décrivent une scène de guerre ô combien mémorable, l’intégration d’objets aussi anachroniques que prosaïques (des bouteilles d’eau) en bouleverse pourtant la lecture.

Franchissant une porte dérobée (qu’il faut donc véritablement « décider » de pousser), nous entrons dans la chapelle, un espace confiné sensiblement proche d’une crypte ou d’un caveau dans lequel le son est étouffé. Le souffle ici se fait court et notre présence semble blasphématoire tant le récit prend le pas sur le dispositif de présentation des œuvres d’art. Une exposition ? Nous l’aurions presque oublié. Cette installation présente quelques termes relatifs à l’ère Permienne inscrits à la flamme d’un briquet à la manière des soldats anglais pendant la Grande Guerre. Ceux-ci semblent annoncer une nouvelle catastrophe : « Boundary », « Extinction », « Great Dying ». La menace, ici encore, gronde. Pourtant, dans un atelier d’artiste nimbé de lumière naturelle – pour la première fois depuis le début du parcours – la tension narrative retombe pour un temps. Dans ce que Maria Loboda identifie comme un atelier, les œuvres d’art sont toutefois présentées de manière classique, sculptures sur socles et photographies au mur : l’espace de création est ici théâtralisé. Produisant une véritable mise en abyme, les œuvres mettent en scène le travail de la main, celle de l’artiste qui façonne et de l’archéologue qui restaure. Les objets en attente d’activation paraissent instables : la glaise risque de sécher (The Lord of Abandoned Success (L’Argile Humide), 2017) quand l’amphore risque de se briser – encore (The Unattainable Original Condition, 2016).

Pour conjurer le sort, aurions-nous dû faire ça et là quelques offrandes de graines dans des paniers tressés ? Trop tard, c’est la guerre, le récit reprend de plus belle.

La cigarette écrasée à la hâte dans un cendrier fume presque encore (Mrs. Van Hopper,2017), l’homme d’affaire a quitté précipitamment son bureau colossal (The Colossal Writing Desk, 2017). A-t-il réussi à échapper à l’iconique œil d’un potentiel big brother (Raw Material Coming From Heaven, 2017) ? Les végétaux accrochés au plafond semblent indiquer que c’est en forêt qu’aura lieu la grande bataille, de toute évidence une lutte de pouvoir. La série de photographies au titre ironique laisse à penser que là-bas, la terre sculptée s’est transformée en boue dans laquelle les traders de Wall Street pataugent (The Evolution of Kings, 2017).

Symbole de cette guerre, une composition de végétaux inconciliables (Ah, Wilderness!,2010) guide le visiteur, non sans surprise, dans une chambre à coucher aux dimensions pharaoniques. Ici encore quelques indices, des objets acratopèges ou d’étranges statuettes appartenant à un supposé amateur se fondent dans les draps de soie. Métaphore de l’exposition toute entière, ils s’offrent au regard sans toutefois que l’on puisse les saisir.

Un hiéroglyphe mural indique une issue lumineuse, la sortie peut-être, l’adyton, cet espace architecturalement inaccessible réservé aux plus importants religieux. L’exposition, ici encore se fait scène, sur laquelle le spectateur, dans un état proche du recueillement, est enfin prêt à découvrir la précieuse relique. De l’eau. Des bouteilles d’eau en plastique alignées avec soin sur une étagère en hauteur. L’enquêteur zélé aura été prévenu. Ici se clôt le récit onirique et s’achève le parcours labyrinthique que Maria Loboda construit dans cette première exposition d’envergure en France. Perturbant nos propres algorithmes de pensée, les œuvres sont ici présentées dans un dispositif théâtral. Ce mode d’adresse narratif fait au spectateur (plus qu’au visiteur) induit un rapport particulier aux œuvres que l’on considère comme autant d’énigmes — constitutives de ce récit — à déchiffrer.

[1]Geste symbolique des mains avec positions particulières des doigts qui, dans les danses traditionnelles, l’iconographie et les arts hindous et bouddhiques, sert à exprimer une attitude ou une image mentale. (Larousse)





Maria Loboda, In the Long Yawn, 2016.
Courtesy de l’artiste et de la galerie Maisterravalbuena, Madrid.
Maria Loboda, Young Satyr Turning to Look at His Tail, 2017. Production Kunsthalle Basel. Vue de l’exposition. Photo : Blaise Adilon


Maria Loboda, The Wealth of Neolithic Elites, 2017. Vue de l’exposition. Photo : Blaise Adilon