Futuribles
Avec Hilary Galbreaith, Tania Gheerbrant, Andréa Le Guellec, Sacha Rez, Bapstiste Verrey
Avec Hilary Galbreaith, Tania Gheerbrant, Andréa Le Guellec, Sacha Rez, Bapstiste Verrey
Les cinq films présentés dans le programme vidéo Futuribles interrogent les futurs possibles et les formes du commun. Comment réécrire des récits collectifs ? Comment croire à une nouvelle fiction qui pourrait être au fondement de nos sociétés ? Comment contourner leurs injonctions et mettre en place les conditions d’une coopération humaine à grande échelle ? Concrètement, les récits et imaginaires façonnent les identités en proposant à un groupe de partager des ressources culturelles et symboliques, induisent des modes d’action dans le monde social, et proposent un ensemble d’opportunités discursives. Chaque film, à sa manière, nous parle ici de communautés réelles ou imaginaires, de groupes, de gestes et de pensées qui s'imbriquent.
Baptiste Verrey, puise dans la littérature d’anticipation pour écrire des scénarios et imagine de nouveaux rituels propices aux actions collectives improvisées. Dans Brumaire 231, les différentes communautés sont les sujets d’un récit à venir. À travers des processions, des chants, des danses et des contes, ces assemblées utopiques inventent les conditions d’un futur désirable. Pourtant l’orage gronde, il faut fuir la tempête. Dans un monde post-capitaliste, où l’enjeu principal sera de cohabiter avec les éléments, les personnages utilisent les rebuts industrialisés pour fabriquer des costumes et outils leur permettant de tisser une nouvelle relation avec la météorologie.
Dans le film Sortir de la dystopie, de Tania Gheerbrant, Roy Köhnke et Simona Dvorak, les personnages partagent leurs visions fantasmées d’un futur proche, pour avancer « la naïveté et l’optimisme comme force de résistance ». Comme l’indique la sociologue Margaret R. Somers, « c’est par la narrativité que nous apprenons, comprenons et faisons sens du monde social, et c’est par les récits et la narrativité que nous constituons nos identités sociales ». Sortir de la dystopie questionne la manière dont nos utopies nous fabriquent. Oscillant entre documentaire et clip promotionnel d’entreprise à l’esthétique léchée, ce film est le fruit de dîners performatifs réalisés à la Cité internationale des arts en 2021.
Le film Ootheca, d’Andréa Le Guellec, nous invite à « prendre possession des stéréotypes et à réécrire collectivement de nouveaux mythes ». L’héroïne, une mante religieuse qui cherche à se libérer d’un système patriarcal en inversant les rapports de domination, filmée comme une icône de la pop culture, subit les injonctions contradictoires dont sont victimes les femmes et les minorités de genre. Résolument queer, cette fiction animée en 3D dresse le portrait de nos sociétés occidentales sclérosées, laissant souvent peu de place à l’écriture de nouveaux modèles collectifs plus sains. Dans Ootheca – l’oothèque désignant le cocon d’où naissent les mantes religieuses – il est question de mutations identitaires, de relations indissociables entre soi et les autres, laissant croire à une possible transformation de nos rapports. Cette dernière semble pouvoir entrainer une réinvention du monde lui même, que l’on peut penser comme « une bibliothèque des possibles fluctuants et indéterminés, une oothèque ».
Dans But I’m a Cheerleader (dont le titre fait directement référence à la comédie de Jamie Babbit sortie en 1999), Sacha Rey invite à considérer la parole comme une image et non comme une information. Ici aussi dans une perspective queer et féministe intersectionnelle, iel réalise un ensemble de « danses documentaires » permettant d’interroger, à travers des récits biographiques intimes, les modalités relationnelles du monde de l’art. Ces vidéos sont pensées comme des espaces de résistance face à ce secteur culturel hautement compétitif. Selon Sacha Rey, « la narration de soi devient un outil phénoménologique et cathartique ». Dans cet ensemble de films, notamment dans Naya, présenté ici, la notion de care est centrale. Elle permet d’interroger les violences systémiques que nos sociétés infligent aux individu·e·s, pour imaginer, ici encore, une redéfinition de nos interactions et de nos existences communes.
Hilary Galbreaith nous entraine dans une Parade quasi psychédélique, où les personnages se sont transformés en insectes géants suite à une maladie inconnue. Réagissant à l'anxiété généralisée produite par le monde capitaliste et ses problématiques écologiques, économiques et politiques, les insectes – probablement victimes de cet environnement toxique –, n’ont d’autre choix que de se rassembler pour créer une communauté éphémère et mouvante. Le groupe sillonne les rues de Turin filmé comme dans un clip de musique hip hop, de rock ou de pop. Parade (dont Parade 1 est le premier épisode d’une série de plusieurs films, performances et installations) traite de notre condition contemporaine qui donne parfois le sentiment d’être écrasé·e·s par un système que l’on ne comprend pas. Hilary Galbreaith s’inspire des danses macabres apparues au moment de l’arrivée de la peste en Europe, où les morts conviaient les vivants à entrer dans la danse, pour proposer une mise en scène itinérante absurde et joyeuse, aux costumes colorés DIY et aux filtres tiktok animés, sur des musiques trans instrumentales texturées et Trip-Hop.