Jeanne Held - Ode à la lenteur
À l’occasion de l’exposition
Horizons à la Fondation Renaud du 21 mars au 8 juin 2025
Le travail artistique de Jeanne Held est une ode à la lenteur. Le temps, long, intrinsèquement lié à l’essence même de ses sujets, raconte l’histoire de la réalisation du dessin, avant d’être à nouveau convoqué lors de la perception de l’œuvre. Faisant acte de résistance dans un monde d’immédiateté, il est une absolue nécessité à chaque étape du processus de création.
Jeanne Held commence par rencontrer puis collecter des matériaux et “spécimens”, bien souvent des minéraux, avant de les réunir en un étrange corpus dans l’atelier : le zinc qui fleurit, les roches sculptées par les crustacés, la terre chargée de métaux et le sel qui cristallise y poursuivent secrètement leur vie sempiternelle. Elle en fait l’expérience en les observant scrupuleusement, comme pour en sonder la profondeur, en percer le mystère. Sensible aux travaux de Merleau-Ponty sur la phénoménologie de la perception, elle cherche à entretenir un lien direct avec le réel, à rendre présent son sujet plutôt qu’à le représenter. Il s’agit d’en restituer la forme, les contours, les teintes et les textures bien entendu, mais aussi d’en saisir les caractéristiques imperceptibles : l’effet qu’il procure ou la place qu’il occupe, son aura. À la manière d’une photographie argentique qui émerge du bain révélateur, l’artiste découvre son image progressivement, plan après plan, apposant de la matière sur le papier avant d’en soustraire, pour mieux préserver la lumière. Sous la main de l’artiste, autant que sous nos yeux, le sujet semble flotter, gagnant graduellement en contraste, en modelé, en présence. La netteté des contours, propre à l’estampe, s’oppose aux jeux de flou qui dérobent le sujet. Parfois, c’est en soufflant de la poudre de fusain que le relief indécelable du papier s’affirme, rappelant l’essai « Éloge de l’ombre », de l'écrivain japonais Jun'ichirō Tanizaki. Partout, les images sont fugaces, elles surgissent autant qu’elles s’évanouissent, engageant notre regard dans un patient face à face.
Au Fort de Vaise, Jeanne Held présente un dessin monumental d’après maquette, dont les dimensions architecturales font écho à la fenêtre qu’il obstrue. Souvent considéré comme médium d’atelier discret, ou phase préparatoire d’une œuvre plus noble – peinture, sculpture, installation –, le dessin ainsi déployé, offrant à voir un vaste panorama de la ville de Lyon, s’adresse aux spectateurs·ices avec aplomb. Après avoir étudié l’histoire géologique de ce territoire singulier, ses différentes stratifications, ses reliefs et ses matériaux – dont de nombreux fossiles et coquillages – l’artiste en propose une interprétation fragmentée en carottes sédimentaires, s’inspirant notamment de la lithographie "Les Enfants Trouvés" de Magritte. Brossant le fusain, elle nous invite, guidé·e·s par notre perception haptique, à plonger dans la matière, aussi tangible qu’évanescente. Cette ville-paysage est ici présentée comme une fine pellicule sur la surface du monde, comme l’enveloppe d’un corps stratifié insaisissable, à la fois dans l’espace et dans le temps, dont Jeanne Held nous propose une véritable synthèse poétique.
Jeanne Held commence par rencontrer puis collecter des matériaux et “spécimens”, bien souvent des minéraux, avant de les réunir en un étrange corpus dans l’atelier : le zinc qui fleurit, les roches sculptées par les crustacés, la terre chargée de métaux et le sel qui cristallise y poursuivent secrètement leur vie sempiternelle. Elle en fait l’expérience en les observant scrupuleusement, comme pour en sonder la profondeur, en percer le mystère. Sensible aux travaux de Merleau-Ponty sur la phénoménologie de la perception, elle cherche à entretenir un lien direct avec le réel, à rendre présent son sujet plutôt qu’à le représenter. Il s’agit d’en restituer la forme, les contours, les teintes et les textures bien entendu, mais aussi d’en saisir les caractéristiques imperceptibles : l’effet qu’il procure ou la place qu’il occupe, son aura. À la manière d’une photographie argentique qui émerge du bain révélateur, l’artiste découvre son image progressivement, plan après plan, apposant de la matière sur le papier avant d’en soustraire, pour mieux préserver la lumière. Sous la main de l’artiste, autant que sous nos yeux, le sujet semble flotter, gagnant graduellement en contraste, en modelé, en présence. La netteté des contours, propre à l’estampe, s’oppose aux jeux de flou qui dérobent le sujet. Parfois, c’est en soufflant de la poudre de fusain que le relief indécelable du papier s’affirme, rappelant l’essai « Éloge de l’ombre », de l'écrivain japonais Jun'ichirō Tanizaki. Partout, les images sont fugaces, elles surgissent autant qu’elles s’évanouissent, engageant notre regard dans un patient face à face.
Au Fort de Vaise, Jeanne Held présente un dessin monumental d’après maquette, dont les dimensions architecturales font écho à la fenêtre qu’il obstrue. Souvent considéré comme médium d’atelier discret, ou phase préparatoire d’une œuvre plus noble – peinture, sculpture, installation –, le dessin ainsi déployé, offrant à voir un vaste panorama de la ville de Lyon, s’adresse aux spectateurs·ices avec aplomb. Après avoir étudié l’histoire géologique de ce territoire singulier, ses différentes stratifications, ses reliefs et ses matériaux – dont de nombreux fossiles et coquillages – l’artiste en propose une interprétation fragmentée en carottes sédimentaires, s’inspirant notamment de la lithographie "Les Enfants Trouvés" de Magritte. Brossant le fusain, elle nous invite, guidé·e·s par notre perception haptique, à plonger dans la matière, aussi tangible qu’évanescente. Cette ville-paysage est ici présentée comme une fine pellicule sur la surface du monde, comme l’enveloppe d’un corps stratifié insaisissable, à la fois dans l’espace et dans le temps, dont Jeanne Held nous propose une véritable synthèse poétique.