Conversations silencieuses,
compte rendu d’exposition
compte rendu d’exposition
Notre beauté fixe, “Photolalies” pour Denis Roche, Le Réverbère, Lyon, 10.09.2016 - 31.12.2016
Publié sur le site Le Mauvais Coton, 2016
Publié sur le site Le Mauvais Coton, 2016
Pour fêter ses 35 ans d’activité, la galerie lyonnaise Le Réverbère propose une exposition en deux volets ; Notre beauté fixe, « Photolalies » pour Denis Roche du 10 septembre au 31 décembre 2016 qui sera suivie par Inédits de janvier à avril 2017. Éminent photographe décédé en septembre 2015, Denis Roche est représenté par Le Réverbère depuis 1989 : c’est donc un maître à penser, un ami, un membre de la famille – photographique – que Catherine Dérioz et Jacques Damez nous invitent à rencontrer.
Véritable hommage, l’exposition s’est construite autour du terme « Photolalie » théorisé par Denis Roche. Les artistes de la galerie ont été invités à choisir une image issue de son œuvre et à y répondre, en réalisant à leur tour une photographie. Il s’agit d’un « écho muet, ce murmure de conversation tue qui surgit entre deux photographies, très au-delà du simple vis-à-vis thématique ou graphique »[1]. De nombreuses images, parfois accompagnées de textes, ont été proposées, permettant à l’exposition de devenir, elle-même avec poésie, une photolalie. Qu’elles soient formellement très proches des tirages de Denis Roche ou non, les épreuves ont en commun une grande douceur teintée d’admiration. L’accrochage est à la fois simple et précis, fonctionnant par paires : une œuvre de Denis Roche suivie de celle qui lui fait écho. Deux subjectivités sont alors mises en présence.
Si pour l’artiste « il y a plus de silence dans une seule photographie que dans toute la vie d’un homme »[2], les clichés ici exposés semblent paradoxalement entrer dans un dialogue muet, converser les uns avec les autres. De ces discussions intimes entre les artistes – entre celui qui n’est plus et ceux qui restent – se dégage une impression générale de pudeur. N’est-ce pas d’ailleurs, en musique, le silence, qui construit le discours ?
Egalement écrivain et poète, Denis Roche commente, au sein de l’ouvrage Le boîtier de mélancolie, réédité en 2015, 100 photographies sélectionnées. Il s’agit alors d’une tentative « d’imaginer l’état d’esprit dans lequel était le photographe au moment où il essayait de faire sa photo, de se mettre un peu à sa place, reculer avec lui, cadrer avec lui, hésiter… »[3].
De la même manière, à l’étage de la galerie, William Klein s’interroge dans un film documentaire sur la pratique même de la photographie. Réinterprétant quelques-unes de ses planches contacts, il évoque l’hésitation, les ratages et les choix du photographe. Sont alors exposées, en regard de ce film, les images suscitant l’affirmative « là c’est une photographie ». Pourtant, pour William Klein le mystère persiste : « pourquoi on fait telle photo plutôt qu’une autre, et ensuite pourquoi on choisit telle photo plutôt qu’une autre ? ». A cette question récurrente, Denis Roche aurait répondu avec un énigmatisme certain « souvent, il n’y a pas de réponse »[4].
[1] Photolalies, Coll. Carnets, Édition Argraphie, 1987.
[2] Avec le mot silence, Denis Roche, Édition la chambre noire, 2013.
[3] Le boîtier de mélancolie, Denis Roche, Éditions Hazan, 1999.
[4] Ibid.
Notre beauté fixe, “Photolalies” pour Denis Roche, Le Réverbère, Lyon
Notre beauté fixe, “Photolalies” pour Denis Roche, Le Réverbère, Lyon