Jeanne Chopy - Le rideau bouge encore ~
Artiste et chorégraphe, Jeanne Chopy passe d’un médium à l’autre pour déployer un vocabulaire singulier à la frontière entre les arts visuels, les arts vivants et le design. Sa nouvelle installation produite pour le Polaris est troublante : elle renverse les espaces pour proposer un décor quasi théâtral dans la salle adossée au public, dédiée aux expositions. Aussi, un ensemble de meubles étranges en bois, vitraux et frites de piscine nous plonge dans un univers rappelant certains films de Jacques Tati ou de Michel Gondry. Si l’on croit reconnaître un kiosque ou un banc, impossible de passer dessous ou de s’assoir dessus : la fonction de ces objets, comme les assemblages surréalistes, reste indéterminée. C’est « beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie » disait le comte de Lautréamont. Ces objets insolites font davantage office de socles, recouverts de diverses matières, pour présenter une collection tout aussi déroutante. Ici encore, les quelques objets de la vie quotidienne se sont métamorphosés, si bien que l’on voudrait croquer dans une éponge devenue gâteau. Jeanne Chopy collectionne les tissus et similis cuirs, les perles et sequins, les scoubidous et autres matériaux issus de loisirs « créatifs », pour transformer les objets, les faire passer du placard sous l’évier aux planches d’un cabaret. Créer donc, imaginer, inventer d’autres fictions possibles à partir d’une seule réalité.
Le rideau bouge encore ~… Les quelques costumes suspendus et les chaussures abandonnées sur l‘estrade semblent indiquer que les protagonistes viennent de quitter la scène (la pièce chorégraphique Sottocoppa a été interprétée par quatre danseurs et danseuses le soir du vernissage, au milieu des architectures mobiles). Serait-ce le premier indice d’une enquête à résoudre ? À leur tour le couteau, les bottes de pluie, le gant de toilette, les jardinières et les boules à neige apparaissent et disparaissent dans cet intérieur mystérieux ; la télévision, elle même costumée, est devenue un personnage de plus dans ce soap-opéra. Les yeux bien ouverts, comme pour ne pas perdre une miette d’un tour de magie, il faudra remettre l’intrigue dans l’ordre et distinguer le vrai du faux. Ou peut-être accepter avec bonheur de se laisser piéger, comme après la sonnerie du réveil, où l’on replonge volontiers dans un rêve sans queue ni tête. Est-ce le moment tant attendu pour incarner notre propre rôle, dans un épisode de Strip tease, une soucoupe volante au-dessus de nos têtes ?
Si toutes ces allégations ne sont les fruits que de mon imaginaire, libre à vous de poursuivre ce cadavre exquis, de passer du coq-à-l’âne, de vous laisser emporter par le fleuve bouillonnant et irrationnel de l’imaginaire. Comme dirait le compositeur Erik Sati « Bien que nos renseignements soient faux, nous ne les garantissons pas. »
commissariat : Leïla Couradin
Photos : Lola Fontanié
Vues de l’exposition Le rideau bouge encore, Jeanne Chopy, Le Polaris de Corbas. Photos : Lola Fontanié