“Les mystère du monde sont du domaine du visible, non de l’invisible”, compte rendu d’exposition
Dancing in the Studio, Pedro Barateiro, chez Néon, Lyon, 10.02.2017 - 15.04.2017
Publié sur le site Le Mauvais Coton, 2017
Publié sur le site Le Mauvais Coton, 2017
Première exposition lyonnaise de l’artiste portugais Pedro Barateiro, Dancing in the Studio est une proposition réjouissante et immanquable. Sculpteur, peintre, vidéaste, performeur et directeur de la maison d’édition Duvida Press, Pedro Barateiro est un artiste multiple : à vous donc d’entrer dans ce studio de danseur ou de plasticien.
Julie Rodriguez rencontre en 2011, le travail de Pedro Barateiro au sein du catalogue « Theatre of hunters », édité à l’occasion de la première exposition de l’artiste en dehors de son pays d’origine à la Kunsthalle Basel. Ce n’est que quelques années plus tard que la commissaire d’exposition rencontre l’artiste à Lisbonne, alors que celui-ci développe un travail singulier autour de la colère.
En 2016, Julie Rodriguez constate que les manifestations de « nuit debout » engendrent à Lyon une « rumeur » qui fait écho aux préoccupations de Pedro Barateiro. Il sera donc invité pour cette exposition à présenter des œuvres créées entre 2010 et 2017. Un déploiement dans le temps permettant l’étude de la question de l’engagement et du positionnement des artistes dans une société qui résiste. Cette société, c’est d’abord le Portugal, en pleine crise économique et soumis à un plan d’austérité drastique. En 2013, les manifestations portugaises sont interprétées dans le studio par Pedro Barateiro. C’est la trace, la réaction physique de l’artiste, les pas d’une danse effectuée sur un sol préalablement peint que le visiteur découvre en passant la porte de la galerie Néon. Les photographies prises dans l’urgence d’un moment spontané sont présentées, à la manière d’affiches sur des supports rigides posés au sol. Elles donnent leur titre à l’exposition, Dancing in the Studio, mais elles en donnent aussi le ton : Protest.
Plusieurs Rumor Bench, sourires ou moues boudeuses, parenthèses, virgules ou logo d’Amazon jouent le mobilier.
A l’étage un premier film double, Today our eyes are closed (2010), tourné en 16mm, est exceptionnellement présenté sur un écran. La première partie « organique » est tournée dans le majestueux jardin du Musée National du Théâtre et de la Danse de Lisbonne, tandis que la seconde partie réunit plusieurs plans capturés dans les facultés d’architecture et d’urbanisme de l’Université de São Paulo. Renvoyant peut-être à l’histoire de la photographie, le positif et le négatif s’opposent, suggérant la thématique du miroir. Celle-ci sera évoquée à travers le sublime assemblage de textes d’Antonin Artaud, de Louis Aragon, de Denis Diderot et d’Oscar Wilde, rythmé par le son lancinant qui accompagne la vidéo.
« Les mystères du monde sont du domaine du visible, non de l’invisible ».
Plus récente, Currency, currency, (2016) est une vidéo suggestive et hypnotique, qui traite d’une structure en constante évolution, celle de la forme même d’un objet symbolique et omniprésent dans la pratique de l’artiste, le crayon : outil de production du verbe.
Quelques images, sélectionnées par l’artiste dans son tumblr qu’il utilise à des fins de carnet de notes, de base de données, sont présentées, déjouant les modes de monstration habituels, dans les espaces « domestiques » de Néon. Ces posters, placardés ça et là transforment la galerie en un appartement décoré, peut-être celui d’un étudiant engagé.
Il s’agit dans cette exposition de découvrir la manière singulière qu’a Pedro Barateiro de produire un discours de la protestation, à la fois percutant, sensible et personnel.
Vue de l’exposition Dancing in the Studio, Pedro Barateiro, chez Néon, Lyon