Un calamar à la surface
Publié dans la revue Point Contemporain, à propos de l’exposition collective de Rémi Lécussan, Ludovic Hadjeras et Benoît Pype à la Galerie de la Scep
Dans l’exposition « Un calamar à la surface », les œuvres de Rémi Lécussan (1997), de Ludovic Hadjeras (1996) et de Benoît Pype (1985) entrent en connexion, comme autant de câbles que l’on viendrait brancher à un seul disque dur. Fruits d’un intérêt partagé pour les assemblages a priori antinomiques entre éléments prélevés dans la faune ou la flore et artefacts numériques déconnectés de leurs machines mères, les œuvres développent un méta-récit où les sujets sont des chimères à intelligence artificielle. Le logiciel chatgpt ne nous demande-t-il pas de « cocher la case pour confirmer que nous sommes des humains » ? Les armoires de datacenter deviennent des volières à oiseaux, un casque de réalité virtuelle queer permet à une performeuse munie d’un appeaux d’instaurer un dialogue avec une grive musicienne, quand une alarme se déclenche et hurle au frémissement d’un battement d’ailes. Peut-être est-ce celui d’une hirondelle venue nicher dans un nid accroché au balcon de la maison familiale de Ludovic Hadjeras ? Ailleurs, une goutte d’eau s’évapore, pendant que les flocons tournoient sans cesse dans une boule à neige reliée à une carte graphique muette. Ce paradoxe à la fois singulier et omniprésent, entre les ressources naturelles surexploitées puis transformées en matières synthétiques qui usent des stratagèmes les plus complexes pour imiter le vivant raconte, sur les ruines du monde, un avenir cyborg. Sans dénonciation frontale ou critique virulente, les œuvres font état de cette poétique de l’hybride ébranlée par l’absurdité des processus de métamorphoses systématiques. Ou quand le grain de maïs est élevé pour être chimiquement privé de sa valeur nutritive puis utilisé comme particule de calage pour les colis d’Amazon. Comme l’indique Diego Bustamante, codirecteur de la galerie de la Scep, « Progression ou régression, animal ou cyborg guidé par l’intelligence artificielle, high-tech ou low-tech, qu’importe, on ne sera jamais satisfait de ce monde trop rapide, rempli de publicités, où l’animal est une ressource et où la nature est un objet. Alors on crée des hybrides, des chimères, des amalgames, on met en place des astuces pour pouvoir prendre de la distance. »
Ludovic Hadjeras, vue exposition Un calamar à la surface, Galerie de la SCEP, Crédit photo Nassimo Berthommé
Rémi Lécussan, vue exposition Un calamar à la surface, Galerie de la SCEP, Crédit photo Nassimo Berthommé
Rémi Lécussan, vue exposition Un calamar à la surface, Galerie de la SCEP, Crédit photo Nassimo Berthommé
Vue exposition Un calamar à la surface, Galerie de la SCEP, Crédit photo Nassimo Berthommé
Benoît Pype, vue exposition Un calamar à la surface, Galerie de la SCEP, Crédit photo Nassimo Berthommé
Ludovic Hadjeras, vue exposition Un calamar à la surface, Galerie de la SCEP, Crédit photo Nassimo Berthommé