Le monde ou rien, critique d’exposition

Exposition collective au Gac Annonay,  16.06 - 06.08.2017

Publié sur le site de la revue La belle revue, 2017


Le monde ou rien, présenté au GAC Annonay, est le troisième volet d’une série d’expositions collectives éponymes dont les deux premières occurrences ont été présentées à la galerie Circonstance de Nice, puis à l’espace Madoura de Vallauris.

Le slogan/titre Le monde ou rien, aussi évocateur que poétique, scandé pendant les manifestations « nuit debout » – rassemblement citoyen symbolique d’une convergence des luttes sociales – donne le ton. Le texte d’intention commun à chacun des chapitres de cette exposition se présente comme un véritable manifeste révolutionnaire. L’art s’y voit recouvrer une valeur d’usage, dans une société dite « fragmentée », où il serait à même de « recréer du lien ». Pourtant, au GAC Annonay, les œuvres encadrées trônent au-dessus des cheminées d’un intérieur archétypal d’une élite culturelle, un appartement bourgeois.

Au sein du texte des commissaires, la référence aux situationnistes étonne, quand le caractère éminemment formel de certaines productions plastiques exposées contredit l’objet même de leur projet : la disparition des œuvres et des artistes et donc l’effacement de la frontière entre l’art et la vie.

Aussi, tout au long de l'exposition, faudra-t-il mettre à distance pour un temps le discours afin d’appréhender sensiblement ce parcours jalonné de portraits et d’autoportraits qui positionnent sans cesse le visiteur dans de troublants face-à-face. Avant même la référence politique parfois littérale [les portraits de Marine Le Pen et de Jacques Chirac en marqueterie de Karim Ghelloussi notamment (Sans-titre, 2017)], l’omniprésence du corps s’impose comme l’un des points de convergence des œuvres exposées.

Dès la première salle, un portrait issu de la série des Poussières de Florent Mattei réserve au visiteur un accueil théâtral. La pose est frontale, figée, indifférente à la fine pellicule de poussière blanche qui recouvre le visage comme le corps du sujet. On connaît de Mattei les mises en scène photographiques inspirées d’images journalistiques de guerre, mais dans cette série, pas de poussière sur les corps d’enfants extirpés de supposés décombres ni sur les visages tordus de douleur des mères en pleurs. La poussière s’est déposée à retardement sur d’autres victimes. Les dessins de Jean-Luc Blanc qui empruntent leurs sujets au cinéma de série B s'adressent d’une autre manière à notre inconscient collectif. Ces images familières qui nous atteignent sans discours ni message prescrit laissent un peu de place à la polysémie.

Le texte dans la peinture de Sandra Lecoq (H de guerre, 2008), déchiffré syllabe après syllabe, se révèle être un flot discontinu d’insultes dont les caractères typographiques minutieusement tracés ont été coloriés dans un souci de précision que l’on prête non sans misogynie aux petites filles. Féministe engagée, l’artiste investit le champ de l’art comme un champ de bataille à l’aide d’armes qualifiées de féminines : étoffes cousues, fourrures ou crochets. Si Sandra Lecoq comme Noël Dolla avec ses portraits des Sales cons (2016) et Valentina Traianova avec sa pièce sonore UOOOOooooOO (2015) utilisent le texte comme mode d’adresse frontal, une lecture politique ne saurait faire oublier la complexité de leur poésie. Celle-ci fait à nouveau surface dans les maquettes en papier de Mengzhi Zheng, aussi méticuleusement réalisées que potentiellement éphémères, qui nous invitent à questionner notre rapport à l’espace comme lieu de projection mental (série des Maquettes abandonnées, 2017).

Cette exposition collective se place donc dans le sillage de nombreuses propositions se voulant "engagées" mais ne parvenant toutefois pas à dépasser leur cadre et qui deviennent, dans le contexte actuel et à leur insu, politiquement correctes. Les productions plastiques, d'une grande diversité, sont parfois écrasées par ce propos théorique qui tend vers une politisation systématique du regard, quand ces dernières portent déjà en elles-mêmes critique, réflexion et subversion : elles détiennent toutes ces qualités poétiques n'ayant que faire d'un apport discursif pour surgir.




Vue de l’exposition Le monde ou rien au Gac Annonay
Photo : Gac Annonay

Leïla Couradin


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EXPOSITIONS


FUTURIBLES - avec Hilary Galbreaith, Andréa Le Guellec, Tania Gheerbrant, Sacha Rey, Baptiste Verrey

Camille Boileau - Le jardin des possibles 

Jeanne Chopy - Le rideau bouge encore ~

Lisa Duroux et Julie Kieffer - De cadence et d’amour

Adélaïde Feriot - Polaris

Bettina Samson - Spectral Summer, Le Parc Saint Léger 

Bénédicte Lacorre - Did something real happen ?

Vincent Gallais - L’instant de plus

Baptiste Charneux et Delphine Gatinois - Sécher le perroquet

La fête de l’insignifiance - exposition collective, Kunsthalle de Mulhouse 

Carla Adra - Bouche 

Léo Sallez - Relais des gourmets 

Victoria David - Snow Gum




TEXTES  



Nawel Grant - Portrait 

Vega Lopez - Portrait 

Frédérique Fleury 

Catalogue de l’exposition de l’EMAP Corbas - notices

Camille Sart - Entretien (Résidence Voyons Voir)

Rémi Lécussan - Entretien (Résidence Voyons Voir) 

Brontë Scott - Entretien
(Résidence Voyons Voir) 

Amalia Laurent - L’édifice immense du souvenir, exposition au CACN

Collection du FRAC île de France - notices

Collection de EAP Vénissieux - notices

Valentin Martre - Sortie de Résidence Voyons Voir au Chantier Naval Borg

Un calamar à la surface, Rémi Lécussan, Ludovic Hadjeras, Benoît Pype

Amalia Laurent - Entretien, POST it RÉALITÉS

Claire-Lise Panchaud - Portrait

Collection de l’IAC de Villeurbanne (FRAC Rhône Alpes) - notices

Jean-Christophe Couradin - Portrait 

Christopher Daharsh - BIKINI

Frédéric Rouarch - La traversée 

Pierre Unal Brunet - Entretien, POST it MONSTRE

Celine Pierre - Entretien, Point Contemporain 

Sophie Hasslauer - Portrait, Point Contemporain

Katinka Bock - Portrait, Zérodeux 

Marianne Villière - Entretien, POST it #08

Romuald Jandolo - Entretien, CARF 03

Baptiste Charneux - Entretien, POST it #06

Anaëlle Rambaud - Entretien, POST it #04

Carla Adra - Entretien, POST it #02

Corentin Canesson - Entretien, CARF 02

Thomas Schmahl - Portrait, Point Contemporain

Predicted Autumn, Jochen Lempert, La belle revue 

L’odeur du ciel, Damien Fragnon et Naomi Maury, Tzvetnik

Radio, Katinka Bock, Point Contemporain

Pavillon, Guillaume Perez, Artaïs 

Les conventions ordinaires, Chloé Serre, La BF15, Zérodeux 

Partout, mais pas pour très longtemps, Convoi exceptionnel, Point Contemporain

Peaux des murs, Claire Georgina Daudin, Point Contemporain

Night Soil - Nocturnal Gardening, Mélanie Bonajo, La critique 

Entre-temps, portrait de Rémi De Chiara, Point contemporain

Cleptomanie Sentimentale, collection Saves, Point contemporain

Les coulisses du plateau, portrait de Naomi Maury, Point contemporain 

Sous la surface, portrait de Julie Digard, Point contemporain 

Eloge de l’imprévu, portrait de Damien Fragnon, Point contemporain

Le divan des murmures, exposition collective au Frac Auvergne, Zérodeux 

La Fête, La Musique, La Noce, Maria Loboda, Zérodeux 

Le monde ou rien, exposition collective au Gac Annonay, La belle revue 

Images évanescentes et dessins absents, Claire Georgina Daudin, Le mauvais coton

Les bruits silencieux, Olivier Zabat, Le mauvais coton

Dancing in the Studio, Pedro Barateiro, Le mauvais coton

Etoffes à décor de circonstance, Joséphine Kaeppelin, Le mauvais coton

Conversations silencieuses, exposition collective au Réverbère, Le mauvais coton

Marcher à la dérive, Alex Chevalier et Guillaume Perez, Le mauvais coton

Les éléphants se cachent pour mourir, Maxime Lamarche, Le mauvais coton

Promenade urbaine en négatif, Sehyong Yang, Le mauvais coton

Histoire des ensembles, Mathilde Chénin, Le mauvais coton

Cave Studies, Vincent Broquaire, Le mauvais coton